La violation du droit de préférence du franchiseur peut coûter cher !

06 mai 2019 • franchise


Le franchisé et l’enseigne concurrente complice, tous deux condamnés  La concurrence de l’ancien franchisé représente pour le franchiseur une dangerosité particulière contre laquelle il entend légitimement se protéger, que ce soit par la stipulation d’une clause de non-concurrence ou d’une clause de préférence lui donnant priorité pour acquérir les parts ou le fonds de commerce de son franchisé. Dans une affaire portée devant la Cour d’appel de Paris, un contrat de franchise dans le secteur de la grande distribution alimentaire prévoyait que dans le cas où, pendant la durée du contrat, le franchisé souhaiterait céder son fonds de commerce ou ses parts sociales, il s’engage à donner la préférence à son franchiseur, la société Distribution Casino France. Après avoir résilié son contrat de franchise, invoquant un manquement grave de son franchiseur à ses obligations, le franchisé a cédé à la société Carrefour Proximité France ses parts sociales. Constatant le changement d’enseigne du fonds de commerce de son ancien franchisé au profit de son concurrent direct, le franchiseur les a assignés afin de faire prononcer la nullité de la cession et de les voir condamner à réparer les préjudices subis. Condamnés en première instance, l’ancien franchisé et la société Carrefour Proximité France ont fait appel du jugement rendu. En appel, la Cour constate que la cession n’a fait l’objet d’aucune information préalable de la part, ni de la société franchisée, ni du franchisé personne physique intervenant au contrat. Ce faisant, le franchisé a violé le contrat de franchise. Il n’est toutefois pas seul à être condamné puisque les juges engagent également la responsabilité de l’acquéreur des parts, la société Carrefour Proximité France, pour tierce complicité de la violation de la clause de préférence. En effet, la Cour retient que ladite société connaissait parfaitement les dispositions du contrat de franchise litigieux, puisqu’elle en détenait un exemplaire signé avec une autre société et qu’elle avait connaissance, en sa qualité de professionnel aguerri de la grande distribution, de l’existence courante de ce type de droit de préférence qu’elle incluait également dans ses propres contrats. La Cour observe, en outre, qu’elle a contribué à la tentative de sortie du contrat par le franchisé, dans le dessin de contourner la clause de préférence applicable pendant la durée du contrat. En conséquence, la Cour d’appel applique la clause pénale stipulée au contrat de franchise, et prévoyant le versement de la somme de 160.000 euros au franchiseur en cas de violation de l’obligation de non-concurrence du franchisé pendant la durée du contrat, la société Distribution Casino France ayant, dans le cadre d’une procédure parallèle, obtenu la poursuite du contrat abusivement rompu jusqu’à son terme. La Cour condamne enfin la société tierce complice au versement de la somme de 40.000 euros en réparation du préjudice résultant de l’atteinte portée à la l’image du franchiseur victime. Les franchiseurs auront donc intérêt à préalablement vérifier que leur candidat, ex franchisé d’un réseau concurrent, a valablement rompu son contrat de franchise et n’est pas lié par une obligation de non-concurrence post-contractuelle, au risque de voir leur responsabilité engagée par le franchiseur désavoué. Cour d’appel de Paris, 6 mars 2019, n°17/18551